Des locaux d’un immeuble de bureaux d’entreprise accueillant parfois soit dans le bureau d’un collaborateur soit dans une salle dédiée et en présence d’une personne de l’entreprise des personnes étrangères à cette entreprise sont-ils classables systématiquement en ERP ?

D’apparence, la réponse à cette question est simple. Il suffirait de suivre les quelques lignes ci-dessous :

« Les locaux et immeubles de bureaux ne doivent être considérés comme des établissements recevant du public que lorsqu’ils sont spécialement aménagés pour la réception régulière des clients ou usagers. Tel est le cas notamment :

          Des locaux d’accueil et d’attente du public des administrations publiques ou privées ;

          Des agences d’établissements bancaires ;

          Des salles de cours ou de réunions de sociétés commerciales ou industrielles qui reçoivent régulièrement des personnes n’appartenant pas au personnel de l’établissement.

Dans les autres cas la sauvegarde des visiteurs ou clients occasionnels n’est pas régie par la réglementation sur les établissements recevant du public et ne pose pas de problème spécifique, car les mesures prises pour la protection des employés (au titre du code du travail) doivent permettre d’assurer la sécurité de l’ensemble des occupants. »

Seulement, voilà, l’apparence séduisante soulignée en préalable à mon propos disparaît en considérant que ce qui précède provient d’une simple circulaire-mode d’emploi (des textes législatifs et règlementaires en prévention) du ministre de l’Intérieur en date du 15 novembre 1990 (relative aux établissements de 5e catégorie), laquelle circulaire appartient désormais au passé révolu car remplacée par une autre circulaire postérieure (du 22 juin 1995 relative aux CCDSA) qui n’a pas repris ces mêmes précisions.

Dans ces conditions, comment retrouver, ne serait-ce qu’un semblant de base légale, afin de résoudre notre difficulté ?

Il se trouve que la justice administrative, telle Mère-nature, a horreur du vide. Elle dispose, à cette fin, d’une source subsidiaire essentielle du Droit, à savoir sa production jurisprudentielle, à savoir ses jugements et arrêts passés en force de chose jugée (c’est-à-dire devenus définitifs après épuisement des voies de recours).

C’est ainsi qu’elle nous offre, en notre matière, un raisonnement récent (beaucoup plus récent encore que l’ancienne circulaire que j’ai citée et qui a disparu). Elle refuse de reconnaitre un ERP, justement dans : « (…) des bureaux destinés à devenir le siège de la société et qui ne seront pas ouverts à la clientèle ; (…) »[1]. Elle parvient à la même conclusion dans un second arrêt : «  (…) il ressort des pièces du dossier, et n’est pas sérieusement contesté, que les locaux à usage de bureaux prévus par la décision litigieuse (…) ne sont pas destinés à l’accueil du public ; (…) dans ces conditions, les requérants ne peuvent utilement invoquer la méconnaissance des dispositions précitées des articles L 425-3 du Code de l’urbanisme et L 111-8 du Code de la construction de l’habitation ; (…) »[2].

Respectivement dans les deux cas, l’absence d’ouverture à la clientèle et d’accueil du public vise à empêcher que les locaux concernés se transforment – sans en avoir l’air – en magasin ou en pôle de traitement des dossiers en présence des prestataires de la démarche commerciale ou de la délivrance du service. 

En s’appuyant sur la logique dégagée par ces décisions, il est désormais possible de répondre qu’il n’est pas envisageable de faire entrer les immeubles de bureaux dans la catégorie des ERP, dès lors que l’on a affaire à des visites « occasionnelles », ce qui nous ramène – sans faille, cette fois – non à la lettre de notre circulaire initialement citée (puisque, encore une fois, elle n’existe plus) mais à son esprit qui, lui, demeure légitime.  Le lecteur est informé que la réponse donnée ci-dessus l’est uniquement à titre consultatif.

 


[1] Arrêt Cour Administrative d’Appel Bordeaux – 6e Chambre – formation à trois – n° 11BX00166 – inédit au Recueil Lebon – mardi 14 février 2012. Consulter sur cette thématique notre ouvrage : « Responsabilité des pouvoirs publics en matière de prévention dans les ERP » – « Sous-section 3 – Trop privé… pour l’être ! » – n° 353 – Editions France-Sélection – 2014 – n° ISBN : 978-2-85266-238-4.

[2] Arrêt Cour Administrative d’Appel  – 2e Chambre – n° 11NT02497 – inédit au Recueil Lebon – 31 mai 2013. Source idem de mon ouvrage