Pouvez-vous nous dire quels sont les cas où les dispositions réglementaires prévoient un avis conforme liant cet avis avec l’autorité ? Je pense que l’article R 111-19-14 du CCH ne laisse pas de doute sur l’avis conforme des commissions pour les PC et AT .

La question de savoir si les avis des commissions de sécurité « lient » les décisions des autorités, a déjà été abordée sur notre forum d’échange (28 février 2017).

En préalable, il faut rappeler quels sont les différents types d’avis qui existent en droit administratif français.

D’abord les avis « simples », ce sont des avis qui ne doivent pas être obligatoirement demandés, ni suivis. Finalement l’autorité qui doit prendre une décision a la liberté de consulter ou de ne pas consulter l’instance qui émet l’avis simple et quand bien même l’autorité consulte l’instance, elle n’a aucune obligation de suivre l’avis émis.

La deuxième catégorie d’avis est constituée par les avis « obligatoires ». Dans la procédure de l’avis « obligatoire », l’autorité est obligée de consulter l’instance qui doit émettre l’avis. Néanmoins l’autorité n’est absolument pas obligée de suivre l’avis émis : elle peut le suivre, comme elle peut ne pas le suivre.

La troisième catégorie d’avis est constituée par les avis « conformes ». Dans les procédures d’avis « conformes », l’autorité est obligée de consulter l’instance qui doit émettre l’avis (en ce sens l’avis conforme est une sorte d’avis obligatoire), mais une fois l’avis émis, l’autorité est obligée de le suivre. On parle alors de compétence « liée ». L’autorité, dans la décision qu’elle a à prendre, est liée par l’avis donné par l’instance.

Les règles qui gouvernent la police des ERP prévoient que les avis des commissions de sécurité sont des avis obligatoires. Nul doute sur cette disposition qui est répétée à plusieurs reprise dans la réglementation.

Le principe en est posé à l’article R123-35 du CCH pour la commission consultative départementale de sécurité et d’accessibilité, anciennement dénommée CCDPC. Cet article dispose que cette instance est l’organe, au niveau du département, chargé d’assister les autorités de Police, Préfets et Maires, pour les mesures qu’ils ont à prendre pour assurer la prévention contre les risques d’incendie et de panique dans les ERP. Par délégation, les différentes commissions auxiliaires (sous-commission départementale ERP-IGH, commissions d’arrondissement, commissions communales) ont le même rôle.

Toujours dans le code de la construction et de l’habitation, à l’article R111-19-25 il est édicté de manière implicite que la consultation de la commission de sécurité présente un caractère obligatoire, puisque cet article dispose que le service instructeur d’une demande de travaux dans un ERP transmet le dossier du pétitionnaire à la commission de sécurité compétente. La possibilité de ne pas transmettre le dossier n’étant pas prévue, le caractère obligatoire de la consultation semble prouvé.

Enfin, le principe du caractère obligatoire et consultatif des avis des commissions de sécurité est également édicté dans l’article 2 du décret du 8 mars 1995. Dans un premier temps, cet article précise que les commissions sont les organes investis pour donner des avis aux autorités de police. Puis cet article dispose que les avis émis par les commissions de sécurité ne lient pas les autorités de police, sauf dans les cas où des dispositions réglementaires prévoient un avis conforme.

La rédaction de l’article R 111-19-14 du code de la construction et de l’habitation pourrait faire croire que l’autorisation de faire des travaux dans un ERP ne peut être délivrée par l’autorité que si la commission a émis un avis favorable (comme semble le penser la personne qui pose la question). Cet article précise que l’autorisation ne peut être délivrée que si les travaux projetés sont conformes (…) aux règles de sécurité prescrites au article R 123-1 à R123-21.

Plusieurs arguments s’opposent à cette interprétation.

D’abord, l’article R 111-19-14 ne dit pas explicitement que l’avis de la commission doit être conforme pour les autorisations de travaux. Si l’autorité ayant signé ce décret l’avait souhaité, pourquoi n’aurait elle pas tout simplement écrit: « l’autorité ne peut délivrer une autorisation de travaux que si la commission de sécurité a émis un avis favorable ».

Ensuite, la circulaire du 20 juin 1995 qui accompagnait le décret du 8 mars 1995, excluait explicitement les autorisations de travaux des actes pour lesquels un avis conformes est obligatoire (voir ma réponse du 28 février 2017).

Enfin, et cela est particulièrement vrai depuis la réforme 2007 du code de l’urbanisme et du code de la construction, les permis de construire et les autorisations de travaux ne font pas partie des actes administratifs pour lesquels absence de réponse de l’Administration vaut refus d’autorisation. Au contraire, absence de réponse de l’autorité dans un délai de 5 mois (pour un PC) vaut décision de délivrance du PC tacite (article R 423-28 du code de l’urbanisme) et absence de réponse dans un délai de 4 mois (pour une AT ) vaut délivrance de l’AT tacite (article R 111-19-26 du code de la construction et de l’habitation). Dans l’hypothèse où une demande d’autorisation de travaux, même si elle a fait l’objet d’un avis défavorable à sa délivrance de la part de la commission de sécurité, ne ferait pas l’objet d’une décision de refus explicite de la part de l’autorité, elle pourrait être considérée comme accordée tacitement au bout de 4 mois. En cela, l’avis de la commission n’a rien d’un avis « conforme ».

Finalement, le seul avis liant l’autorité est celui donné sur une demande de dérogation (article R 123-13 du code de la construction).

L’analyse exposée mériterait d’être confirmée par une décision de justice (une affaire où un pétitionnaire se prévalant d’une autorisation de travaux tacite verrait son autorisation annulée par le tribunal administratif au motif que sa demande aurait reçu un avis défavorable de la commission de sécurité). A ma connaissance (comme je l’avais signalé dans ma réponse du 28/2/2017) aucune décision de ce genre n’est intervenue à ce jour.

Le lecteur est informé que la réponse donnée ci-dessus l’est uniquement à titre consultatif.

 

07 12 2018  Ci-dessous un commentaire d’un internaute averti suivi de la réponse de notre expert :

 

remarque de l’internaute :

Suite à un échange relatif au caractère conforme des avis rendus sur les PC, je tenais à vous informer qu’une excellente juriste de la BSPP avait trouvé une jurisprudence stipulant que  » (…) la commission de sécurité, qui n’émet qu’un avis qui ne lie pas l’autorité qui délivre le permis de construire, (…) Cour administrative d’appel de Bordeaux N° 96BX01138 96BX01377 Inédit au recueil Lebon 1E CHAMBRE 

 

Réponse de notre expert :

 

Merci au contributeur pour son message. La jurisprudence de la cour administrative d’appel de Bordeaux semble limpide: les avis de commission de sécurité ne lient pas l’autorité pour les permis de construire.
C’est finalement la réponse qui avait été donnée à la question du contributeur (sans en apporter une preuve juridique irréfutable).
La preuve juridique, la voici. Dans l’affaire de Bordeaux, l’avis favorable de la commission à la délivrance du permis de construire, ne permet pas d’écarter l’irrégularité de l’arrêté de permis de construire (y compris sur des motifs issus du règlement de sécurité).
Le juge administratif interprète souverainement les dispositions réglementaires (ici l’art R 123 7 du CCH) et ce n’est pas parce que la commission a dit « oui, mais… » que le juge ne peut pas dire « non ».
En conclusion, quand un maitre d’ouvrage n’est pas certain d’être complètement « conforme » aux textes… il ferait bien de solliciter une dérogation.
Une dernière remarque: comment conclurait le Conseil d’État si il avait à connaître de l’affaire ?